Appel de Jussieu pour la Science ouverte et la bibliodiversité

8 juin 2018

Ainsi que l’a rappelé l’“Appel d’Amsterdam”, publié en 2016, le mouvement pour l’accès ouvert aux publications scientifiques est à la croisée des chemins.
Après plusieurs années d’une lutte difficile où il s’agissait d’abord de convaincre des acteurs plutôt sceptiques, il bénéficie désormais de soutiens puissants qui permettent d’envisager un basculement rapide du système de communication scientifique vers un modèle de publication en accès ouvert : “L’importance du libre accès n’est plus un sujet de discussion”. Reste à discuter des moyens d’atteindre cet objectif.
Notre conviction est que la question des modèles économiques doit être replacée dans le cadre plus large des nouveaux modes d’éditorialisation sur lesquels s’appuieront demain la recherche et l’innovation et que leur développement ne peut se faire qu’au bénéfice d’une très large bibliodiversité.
Nous estimons nécessaire de favoriser un modèle de libre accès qui ne soit pas fondé sur une approche unique de transfert des abonnements vers les APC (Article Processing Charges – frais de publication pour autoriser l’accès libre à des articles) – une telle approche constituerait un frein à l’innovation et ne pourrait que retarder sinon stopper l’avènement de la bibliodiversité.
Nous nous associons en cela à la déclaration commune de l’Unesco et de la Confederation of Open Access Repositories (COAR) sur l’accès ouvert qui met en lumière l’ensemble des difficultés soulevées par ce modèle unique.
Notre but est donc d’élaborer et de mettre en oeuvre des modèles alternatifs adaptés aux objectifs de la science ouverte en affirmant la nécessité de soutenir l’innovation pour une rénovation profonde des fonctions éditoriales, comme y appelle la Ligue des bibliothèques européennes de recherche (LIBER) ou l’International Council for Science (ICSU).


Nous, acteurs de la publication scientifique en accès ouvert, affirmons que :

1

L’accès ouvert doit s’accompagner d’un soutien à la diversité des acteurs de la publication scientifique –- la bibliodiversité -– qui mette fin à la domination par un petit nombre d’entre eux dictant de ce fait leurs conditions aux communautés scientifiques ;

2

Le développement de modèles innovants de publication scientifique doit être une priorité budgétaire car il constitue un investissement pour obtenir des services qui correspondent aux besoins réels des chercheurs à l’ère numérique ;

3

Des expérimentations doivent être soutenues au niveau des pratiques d’écriture (publication des données associées), des procédures d’expertise (évaluation ouverte), des services éditoriaux sur les contenus (Edition web au-delà  du pdf), des services additionnels (fouille de texte) ;

4

Les systèmes d’évaluation de la recherche doivent être profondément réformés et adaptés aux nouvelles pratiques de communication scientifique;

5

Les investissements dans le développement d’outils open source sur lesquels reposent ces pratiques innovantes doivent être multipliés et coordonnés ;

6

La communauté scientifique a besoin d’un cadre juridique stable et sécurisé dans les différents pays pour bénéficier de services performants de fouille de texte sur les publications scientifiques qui en intensifient l’usage ;

7

Les communautés scientifiques doivent avoir accès à des infrastructures nationales et internationales qui garantissent la préservation et la circulation des connaissances contre toute privatisation des contenus. Des modèles économiques doivent être trouvés pour assurer la pérennité de ces dispositifs ;

8

Priorité doit être donnée aux modèles économiques de publication qui n’impliquent le paiement ni par les auteurs pour publier, ni par les lecteurs pour accéder aux textes. De nombreux modèles économiques équitables existent, par soutien institutionnel, par implication ou souscription des bibliothèques, par commercialisation de services premium, par financements participatifs, par constitution d’archives ouvertes, qui ne demandent qu’à être étendus et généralisés.


Nous nous associons au message clair que la League of European Research Universities (LERU) envoie à la communauté scientifique au sens large : Research funding should go to research, not to publishers! Pour cette raison, les dépenses aujourd’hui consacrées aux abonnements doivent être transformées prioritairement en investissements qui permettent à la communauté scientifique de reprendre le contrôle du système éditorial et non uniquement en nouvelles dépenses destinées à couvrir les frais de publication des chercheurs auprès des éditeurs commerciaux.
Nous appelons donc à la constitution d’un consortium international d’acteurs dont le premier objectif sera de fédérer les initiatives nationales ou locales existantes ou à construire pour établir un cadre opérationnel de financement de l’innovation en matière de publication en accès ouvert et en mutualiser le développement. Nous appelons les institutions de recherche avec leur bibliothèque à sécuriser dès maintenant une part de leurs budgets d’acquisition afin de soutenir le développement d’une édition scientifique réellement ouverte et innovante qui réponde aux besoins de la communauté scientifique.


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Rédacteurs :

Serge BAUIN; Céline BARTHONNAT; Christine BERTHAUD; Thierry BOUCHE; Francois CAVALIER; Gregory COLCANAP; Odile CONTAT; Nathalie FARGIER; Thierry FOURNIER; Anne-Solweig GREMILLET ; Frédéric HÉLEIN; Odile HOLOGNE; Emmanuelle JANNES-OBER; Jacques LAFAIT; Annie LE BLANC; Jean François LUTZ; Sandrine MALOTAUX; Jacques MILLET; Pierre MOUNIER; Jean-Francois NOMINÉ; Christine OKRET-MANVILLE; Christine OLLENDORFF; Sébastien RESPINGUE-PERRIN; Julien ROCHE; Laurent ROMARY; Dominique ROUX; Joachim SCHOPFEL; Bernard TEISSIER; Armelle THOMAS; Céline VAUTRIN

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